Certains négateurs de notre époque prétendent que l’islam se serait répandu par l’épée, le sang, suivi de massacres, persécutions et de conversions forcées. Est-ce réellement ce que l’histoire nous enseigne ? L’image du soldat musulman avançant avec une épée dans une main et le Coran dans l’autre est-elle plus proche de la réalité ou du mythe ? L’Islam a t-il eu pour but d’effacer les populations autochtones des territoires conquis afin d’imposer sa politique ? Si les réponses abondent dans le corpus de textes historiques et théologiques islamiques, il est aussi très intéressant de se pencher sur ce que l’inteligencia occidentale a pu produire en la matière. Habitués à n’entendre qu’un son de cloche sur cette thématique, les ouvrages défendant l’opinion adverse sont pourtant nombreux.
Nous allons ainsi tenter ici de répondre à ces allégations de la manière la plus explicite possible à travers les propos de certains des plus grands spécialistes occidentaux en la matière, sources à l’appui.
Ce que l’Histoire, et ceux qui l’ont mise par écrit, nous dicte
Morceaux choisis :
« La conquête musulmane de 636 ne fait que consacrer cette division. Les jacobites (secte chrétienne), hostiles à la domination de Byzance, favorisèrent l’entrée victorieuse des arabes musulmans en Syrie. Durant le califat omeyade, ils apprécient d’être gouvernés depuis Damas et savent se rendre indispensables dans l’administration. Mais les jacobites s’arabisent et beaucoup se convertissent à l’islam. »
J.-P. Valognes « Vie et mort des chrétiens d’Orient : Des origines à nos jours », p.341
« L’habileté politique que déployèrent les premiers successeurs de Muhammad fut à la hauteur de ses talents guerriers qu’ils surent bien vite acquérir. Dès les premiers combats ils se trouvèrent en présence de populations que des maîtres divers tyrannisaient sans pitié depuis des siècles, et qui ne pouvaient qu’accueillir avec joie des conquérants qui leur rendraient la vie moins dure. La conduite à tenir était clairement indiquée, et les khalifes surent sacrifier aux intérêts de leur politique toute idée de conversion violente. Loin de chercher à imposer par la force leur croyance aux peuples soumis, comme on le répète toujours, ils déclarèrent partout vouloir respecter leur foi, leurs usages et leurs coutumes. Les Arabes respectèrent si religieusement les conventions acceptées, et se rendirent si agréables aux populations soumises autrefois aux vexations des agents chrétiens de l’Empereur de Constantinople, que toute l’Egypte adopta avec empressement leur religion et leur langue. C’est là, je le répète, un des résultats qu’on n’obtient jamais par la force. Aucun des peuples qui avaient dominé en Egypte avant les Arabes ne l’avait obtenu. […] Au contact des Arabes, des nations aussi antiques que celles de l’Egypte ou de l’Inde, ont adopté leurs croyances, leurs coutumes, leurs mœurs, leur architecture même. Bien des peuples, depuis cette époque, ont dominé les régions occupées par les arabes, mais l’influence des disciples du prophète est restée immuable. »
Gustave LeBon, « La civilisation des arabes, Livre deuxième, chapitre III », p.98-100
« Lorsque nous étudierons les conquêtes Arabes, et tacherons de mettre en relief les causes qui ont déterminé leur succès, nous verrons que la force ne fut pour rien dans la propagation du coran, car les Arabes laissèrent toujours les vaincus libres de conserver leur religion. Si les peuples chrétiens se convertirent à la religion de leur vainqueurs et finirent par adopter leur langue, ce fut surtout parce que ces nouveaux conquérants se montrèrent plus équitables pour eux que ne l’avaient été leurs anciens maîtres, et parce que leur religion était d’une grande simplicité que celle qu’on leur avait enseignée jusqu’alors. S’il est un fait bien prouvé par l’histoire, c’est qu’une religion ne s’impose jamais par la force. Lorsque les Arabes d’Espagne ont été vaincus par les chrétiens, ils ont préféré se laisser tuer et expulser jusqu’au dernier plutôt que de changer de culte.«
Gustave Le Bon « La Civilisation des Arabes », 2010, éd. Al Bustane, p.106
Le célèbre historien, professeur émérite des études sur le Moyen-Orient à l’université de Princeton, spécialiste de la Turquie, du monde musulman et des interactions entre l’Occident et l’Islam, Bernard Lewis nous dit également à ce sujet :
« Aux VIIe et VIIIe siècles, la plupart des chrétiens d’Orient passent sous domination musulmane. Cela ne change rien pour ceux de Mésopotamie, habitués à composer avec un pouvoir non chrétien. Ils restent majoritaires dans la région jusqu’à la fin du Moyen Âge. Pour la plupart des Églises orientales, la domination musulmane apporte plus de liberté et une amélioration de leur condition ».
Bernard Lewis, « L’islam et les non-musulmans », dans Annales. p.788
« En Irak, en effet, il leur avait fallu accepter la domination de la foi zoroastrienne; en Egypte et en Syrie, bien que partageant la foi chrétienne des souverains de l’Empire Byzantins, les communautés autochtones avaient connu la discrimination et parfois même les persécutions, parce qu’elles appartenaient à des sectes différentes. Pour beaucoup d’adeptes des Eglises orientales, l’avènement de l’islam et le transfert du pouvoir politique des mains des chrétiens à celles des musulmans se traduisirent par une amélioration de leur condition et une plus grande liberté de culte.«
Bernard Lewis, « Juifs en terre d’islam » p.34
« Les premiers siècles du califat virent s’accroître la tolérance. Depuis l’époque du Prophète jusqu’aux immenses empires des Umayyades et des Abbassides, en passant par les premiers califes, on peut dire que l’esprit de tolérance envers les non-musulmans suit indubitablement une courbe ascendante. […] Au cours de la première période, musulmans, chrétiens et juifs , bien que professant des religions différentes, formaient une seul société au sein de laquelle les relations d’amitié, d’affaire, de maître à disciple, et autres allaient de soi et étaient même fort courante. Nous possédons de nombreux documents qui témoignent de la richesse des échanges intellectuels et culturels entre ces trois communautés. »
Bernard Lewis, « Juifs en terre d’islam » P.74
« Le jugement porté par les juifs sur le comportement des Turcs se révèle presque unanimement favorable. Le plus ancien est contenu dans la fameuse lettre d’Andrinople écrite au cours de la première moitié du XVe siècle par un juif… Il y invite ses coreligionnaires à quitter la chrétienté, où ils n’endurent que souffrances, pour venir en Turquie, où il trouveront la sécurité et la prospérité : Je sais les terribles malheurs, plus amers que la mort, qui accablent nos frères d’Allemagne, les décrets tyranniques, les baptêmes sous la contrainte et les ordres de bannissements qui sont leur lot quotidien. Lorsqu’ils fuient d’un endroit, me dit-on, un sort plus tragique encore les attend ailleurs… De tout côtés, ce ne sont qu’angoisse de l’âme et tourments du corps; qu’exactions commises par des oppresseurs sans pitié. Le clergé et les moines, ces faux prêtres, se dressent contre le malheureux peuple de Dieu… Ils ont édicté une loi selon laquelle tout juif découvert à bord d’un navire chrétien qui fait voile vers l’Orient sera jeté à la mer. Hélas! Comme les Enfants d’Israël sont maltraités en Allemagne; leurs forces les ont abandonnés! Ils sont ballotés de-ci de-là, et pourchassés jusque dans la mort… Frères et maîtres, amis et connaissances! Moi, Isaac Zarfati, bien que d’ascendance française, je suis né en Allemagne où j’ai grandi aux pied de mes vénérés maîtres. Je vous le dis, la Turquie est un pays d’abondance où, si vous le voulez, vous trouverez le repos. D’ici, la route vous est ouverte vers la Terre sainte. Ne vaut-il pas mieux vivre sous domination des musulmans, plutôt que des chrétiens ? Ici, chaque homme peut mener une existence paisible à l’ombre de sa vigne et de son figuier. Ici, personne ne vous empêchera de porter les plus beaux atours, alors qu’en chrétienté, vous n’osez habiller vos enfants en rouge ou bleu, couleurs que nous affectionnons, de peur de les exposer aux coups et aux insultes, et êtes obligés d’aller et venir misérablement vêtus de couleurs sombres… Ô Israël! Pourquoi dors-tu ? Lève-toi et quitte ce pays maudit pour toujours ! Il ajoute : « C’est la même opinion que nous retrouvons dans un ouvrage célèbre, Consolation aux tribulations d’Israël, écrit plus d’un siècle après. Son auteur, un juif portugais nommé Samuel Usque, classe les consolations en deux catégories : Les unes humaines, les autres divines. Des consolations humaines, « la plus insigne est la grande Turquie, cette large et vaste mer que Dieu a ouverte avec le bâton de sa miséricorde, comme Il a ouvert la Mer Rouge au temps de l’Exode… Ici, les portes de la liberté restent toujours grandes ouvertes pour ceux qui professent du judaïsme. »
Bernard Lewis, « Juifs en terre d’islam » P.160 & Samuel Usque, « A consolaçam as Tribulacoes de Israel », III, éditions Mendes Remedio, Coïmbra, 1906, 53; tr.anglaise de Martin A.Cohen, « Consolation for the Tribulations of Israel », Philadelphie, 1965, p.231.
André Clot, historien français, spécialiste de l’islam, nous livre aussi de brillantes analyses dans son ouvrage phare, « L’Espagne Musulmane », que voici :
« Les Wisigoths avaient persécuté les juifs au point d’édicter des lois antisémites dont le but était de supprimer toute présence juive. Le concile de Tolède avait décidé d’obliger tous les juifs à se faire baptiser sous peine de lourds châtiments, y compris des tortures physiques. La circoncision était interdite, de même que l’absorption de nourritures rituelles. Il était interdit aux chrétiens de les fréquenter, jusqu’à ce qu’un concile décide de réduire tous les juifs en esclavage et d’enlever tous les enfants juifs à leurs parents pour les élever dans la religion chrétienne. Une énorme vague d’antisémitisme déferla sur la Péninsule. Les synagogues furent détruites. On comprend que les juifs aient facilité la conquête arabe et accueilli les envahisseurs comme des libérateurs.«
André Clot, « L’Espagne Musulmane » p.237
« Chrétiens et juifs convertis sont organisés en communautés, plus nombreuses, dit-on, que partout ailleurs dans le monde musulman, plus pacifiques aussi, chacun étant satisfait de son sort et ne désirant pas en changer. Cette rapide assimilation, cette adoption des goûts et des habitudes des musulmans n’étaient pas du goût des autorités chrétiennes, loin de là. L’ignorance du latin, la langue de l’Eglise, était telle que l’archevêque de Séville fit traduire la Bible en arabe afin que les chrétiens puissent la lire. Alvaro, un écrivain chrétien de cette époque, qui habitait Cordoue et était à la tête d’un groupe de chrétiens exaltés, observe avec tristesse : « Mes coreligionnaires, dit-il, aiment à lire les poèmes et les romans des arabes, ils étudient les écrits des théologiens et des philosophes musulmans, non pour les réfuter mais pour se former une diction arabe correcte et élégante. Où trouver aujourd’hui un laïque qui lise les commentaires latins sur les saintes écritures ? Qui d’entre eux étudie les évangiles, les prophètes, les apôtres ? Hélas, tous les jeunes chrétiens qui se font remarquer par leurs talents ne connaissent que la langue et la littérature arabes; ils lisent et étudient avec la plus grande ardeur les livres arabes, ils s’en forment à grands frais d’immenses bibliothèques… Parlez-leur, au contraire, des livres chrétiens. Ils vous répondront avec mépris que ces livres là sont indigne de leur attention…«
André Clot « L’Espagne Musulmane » p.72-73
« Les conquêtes ont été aussi grandement facilitées par l’état de faiblesse dans lequel se trouvaient alors les empires voisins. Les provinces de Byzance : la Syrie, la Palestine et L’Egypte étaient profondément irritées par l’intolérance religieuse des empereurs de Constantinople. Monophysites et nestoriens[Secte chrétienne], qui étaient alors la majorité, étaient prêts à se détacher de Constantinople tant leur mécontentement était vif. Ils avaient la conviction d’être gouvernés par des ennemies de leur foi alors que les Arabes étaient indifférents aux convictions religieuse de leurs sujets.«
André Clot « L’Espagne Musulmane » p.11
Professeur américain d’affaires internationales et d’études islamiques à l’université de Georgetown à Washington, John Eposito nous informe également que :
« Pour plusieurs populations non-musulmanes dans les territoires byzantins et persans déjà soumises aux gouverneurs étrangers, le règne islamique a signifié un changement de gouverneurs, les nouveaux étant souvent plus souples et plus tolérants, plutôt qu’une perte de l’indépendance. Plusieurs de ces populations ont même joui d’une plus grande autonomie locale et ont souvent payé des impôts inférieurs… En ce qui concerne la religion, l’islam s’est montré plus tolérant, accordant une plus grande liberté religieuse aux juifs et aux chrétiens indigènes.«
John L. Esposito, « The Islamic Threat: Myth or Reality », Oxford University Press, New York, 1992, p. 39
« Ils ont remplacé les pays conquis, les dirigeants et les armées indigènes, tout en préservant la plupart de leur gouvernement, bureaucratie, et culture. Pour plusieurs dans ces territoires conquis, ce n’était qu’un échange de maîtres, un qui a amené la paix aux peuples démoralisés et mécontentés par les vicissitudes et l’écrasante taxation résultant des années de conflit Byzantino-Perse. Les communautés locales étaient libres de continuer de suivre leur propre façon de vivre dans les affaires internes et domestiques. Sur beaucoup d’aspects, les populations locales ont trouvé le règne musulman plus flexible et tolérant que celui des byzantins ou des perses.«
John L. Esposito, « Islam: The Straight Path », Oxford University Press, 1998, p,34
« Je suis [Gandhi] désormais plus que jamais convaincu que ce n’était pas l’épée qui créait une place pour l’Islam dans le cœur de ceux qui cherchaient une direction à leur vie. C’était cette grande humilité, cet altruisme du prophète, l’égard scrupuleux envers ses engagements, sa dévotion intense à ses amis et adeptes, son intrépidité, son courage, sa confiance absolue en Dieu et en sa propre mission. »
Gandhi, extrait du journal “Young India”, cité dans “The light”, Lahore, 16/09/1924
« […] nous n’avons jamais entendu parlé d’une quelconque tentative de forcer une population non-musulmane à accepter l’Islam; ni non plus de la moindre persécution dans le but d’éradiquer le Christianisme. Si les califes avaient, eux, choisi une de ces deux alternatives, ils auraient certainement balayé le Christianisme aussi aisément que Ferdinand et Isabelle de Castille [conquérants chrétiens de l’Espagne musulmane] ont éliminé l’Islam d’Espagne ; ou encore imité Louis XIV qui décréta le Protestantisme hors-la-loi, ou enfin, ils auraient agi comme les anglais envers les juifs qui furent interdits de séjour en Angleterre pendant 350 ans […]. De plus, comme les églises orthodoxes de l’Asie et de l’Est et celle de Rome s’excommuniaient mutuellement, ces églises orthodoxes étaient isolées du reste de la Chrétienté. Personne n’aurait donc levé le doigt pour les aider si les musulmans les avaient attaqué. Par conséquent, la simple existence de ces églises encore aujourd’hui est une solide preuve de l’attitude généralement tolérante des gouvernements mahométans envers elles.«
Arnold, Sir Thomas W., « The preaching of Islam, A history of the propagation of the muslim faith », p. 80
« Ni le sabre, ni même un quelconque prosélytisme, peuvent expliquer l’expansion continuelle de l’Islam à travers les siècles. Cette croissance phénoménale doit être attribuée à son pouvoir d’attraction, et à ses capacités à répondre aux besoins spirituels et matériels de peuples adhérant en masse non à une culture pourtant propre à ses fondateurs, des Arabes du désert, mais à une culture religieuse et à un développement socio-politique qu’ils ont évalués au moment de leur conversion«
Dr. Ceasar E. Farah (Docteur d’histoire, Université du Minnesota, USA), « Islam, Barron’s Ed. Series », Inc – Woodbury – New York – 1968 – p.253
« Si aucune religion n’a compté des triomphes plus rapides et plus éclatants, aucune ne s’est montrée plus généreuse et plus tolérante […] Où sont ces atrocités épouvantables qui nous ont valu tant de tirades larmoyantes et éveillé si longtemps la compassion indignée des âmes sensibles ?«
Pierre Laffite, « Les Grands Types de l’Humanité »
« L’histoire est claire sur ce point: la légende des musulmans fanatiques s’abattant sur le monde, imposant l’Islam, à la pointe de l’épée, aux peuples vaincus est un des plus fantastiques et absurdes mythes que les historiens ont pu répéter.«
De Lacy O’Leary, « Aux carrefours de l’Islam », p.28 (Ed. originale “Islam at crossroads”, Londres 1923, p.8)
Conclusion
En conclusion, nous avons pu constater que ces différentes allégations lancéejs tentant de discréditer l’Islam ne sont que mythes sortis de la tête de certains négateurs. A travers les différentes sources historiques et théologiques mises à notre disposition, nous pouvons constater que l’expansion de l’Islam n’est ni du à des conversions forcées, des persécutions, ou encore à une prépondérance à l’intolérance religieuse. Ces diverses allégations lancées peuvent, et se doivent d’être réfutées à travers l’histoire elle-même. Aucune religion au monde n’a poussé ses adeptes à combattre sur le chemin de Dieu et de la Vérité, pour la cause des faibles, des opprimés, des orphelins, des femmes, des enfants et des vieillards, comme l’a fait l’Islam. Cette réalité, prouvée par les versets coraniques comme les traditions prophétiques, l’est ainsi tout autant par les faits historiques comme nous l’avons exposé ici.
Source :
https://www.sarrazins.fr/lexpansion-de-lislam-par-lepee-mythe-ou-realite/